Des fake news à l’obscurantisme : d’où vient cette montée du scepticisme et des croyances alternatives ?​

Date

11 novembre 2019

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Résumé

Nous subissons la terrible loi dite de Brandolini « La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer".

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11 novembre 2019

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Résumé

Nous subissons la terrible loi dite de Brandolini « La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer".

Après la peur des fake news, du complotisme et du populisme, voici dénoncée la remontée de l’obscurantisme. La contestation de ce qui est scientifiquement démontré monte en proportion inverse de l’adhésion à des explications improbables portant sur le monde, la nature, et souvent la santé.

Voir le succès en ligne de considérations sur la platitude de la Terre, des réfutations de l’évolution, les effets du karma sur nos morphologies, et des cosmologies bizarres. Ces croyances générales relèvent souvent d’une révélation. Mais d’autres théories à succès ne prétendent pas bouleverser les principes généraux de la science, ni attester de pseudo-miracles ; elles jouent des témoignages, des statistiques et des corrélations : A est-il cancérigène ? Quel rapport entre l’exposition à B et le développement de cette maladie ? Tel risque de santé est-il démultiplié par le facteur C ? Manipulations des experts pour déguiser une responsabilité en accident ? De quoi faut-il avoir peur, de quoi s’indigner, que dénoncer ? Que nous cache-t-on qui affecte notre santé, notre équilibre,la planète ?

Le scepticisme monte avec le refus de l’autorité et de la preuve : ce qu’affirment les autorités scientifiques, sanitaires ou autres rencontre une méfiance croissante, comme envers les médias et la classe politique. Mais le vide du doute appelle le plein de une croyance alternative. Ainsi, la conviction qu’un péril, onde, produit chimique ou flux d’énergie, jusque là non décelé menace, qu’une solution médicale inédite est apparue, donc qu’une révision de nos notions ou un contrôle s’imposent.

Croyance et rationalité

Au-delà de l’effet rumeur ou des croyances « archaïques », des gens qui ont un bon niveau culturel adhérent à des discours sur des risques cachés, sur une corrélation transformée en causalité ou sur de futures catastrophes notamment sanitaires, assurés que la science officielle nous dissimule l’effroyable réalité.

Au fil de l’actualité, on apprend ainsi que nos compatriotes sont les plus sceptiques sur la nécessité des vaccins, qu’une dame gourou Vandana Shida expose les thèses anti-science à sciences po, qu’il faut se méfier des compteurs Linky et de la 5G, que 86% des jeunes français pensent que le nucléaire participe fortement au réchauffement climatique et émet du co2, qu’il y aurait un lien prouvé entre les pesticides et le cancer du sein. Sans parler de l’efficacité de l’homéopathie ou des listes de produits, glyphosate, qui ont d’indéniables dangers, mais dont le risque, notion tout à fait différente du danger aux doses où on les rencontre, déclenche des passions.

On peut s’étonner d’une crise du consensus de cette ampleur et du succès de tout ce qui dénonce, souvent avec des relents anti-modernistes, naturalistes, catastrophistes, science et médecine. Souvent en se réclamant d’une autre plus authentique qui trouverait des causes cachées et des effets occultés par le « discours officiel ».

Comme en politique, on peut mettre en cause des changements de mentalité : ère de la post-vérité, réceptivité au bullshit, le grand n’importe quoi. On peut chercher des causes rhétoriques ou épistémologiques : les charlatans sont convaincants – par exemple ils « jouent des peurs » -et les gentils ne saisissent pas les finesses du raisonnement notamment statistique. Certes. On peut aussi chercher des coupables d’une sorte de subversion du vrai (Russes et les démagogues en politique, collapsologues et anti-science en médecine), et pointer les intérêts matériels des vendeurs d’espérance ou des capteurs de clics : raconter une carabistouillle attire vers une publication ou un site où la seconde d’attention du cerveau humain est renvendue à un publicitaire. Et sans négliger non plus l’arrière-fond idéologique d’opposition à la science comme domination de la nature et au développement comme agression.

Prime à la polémique et au buzz

Mais ces polémiques ont aussi une dimension médiologique : le marché intellectuel du doute, la prime à la théorie venant de gens « authentiques », l’explosion de l’argumentation, chacun pouvant émettre, relayer, discuter, juger, s’indigner, soutenir, etc. tout cela fleurit d’abord sur les réseaux sociaux. Le numérique est d’autant plus favorable à la contre-information et à la contradiction que chacun étant ce censé pouvoir aller aux sources et aux témoignages comme en direct d’égaux présumés sincères. Les algorithmes privilégient tout ce qui fait buzz, polémique et mobilisation. Ceci vaut particulièrement dans le domaine de la santé qui est celui de l’intime, de ce qui pourrait m’arriver à moi ou mes proches. S’ajoutent des techniques de captation de l’attention, de production de faux partisans, qui donnent des armes à la mésinformation au détriment des affirmations accréditées de façon hiérarchique et traditionnelle.

Les réseaux sont le lieu de l’alerte incessante – gluten, ondes, glyphosates, vaccins, lactose, nouveau produit cancérigène… – la où la peur vaut autorité, et bien que nous vivions dans des sociétés où le souci de protection est infiniment supérieur à ce qu’il fut jamais. Certes le remède est souvent près du poison et, sur les mêmes réseaux, fleurissent les vidéos de démontage ou les analyses des biais cognitifs, les déconstructeurs de fariboles, les sources primaires et les idées tertiaires… Mais nous subissons la terrible loi dite de Brandolini « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer« .

Après la peur des fake news, du complotisme et du populisme, voici dénoncée la remontée de l’obscurantisme. La contestation de ce qui est scientifiquement démontré monte en proportion inverse de l’adhésion à des explications improbables portant sur le monde, la nature, et souvent la santé.

Voir le succès en ligne de considérations sur la platitude de la Terre, des réfutations de l’évolution, les effets du karma sur nos morphologies, et des cosmologies bizarres. Ces croyances générales relèvent souvent d’une révélation. Mais d’autres théories à succès ne prétendent pas bouleverser les principes généraux de la science, ni attester de pseudo-miracles ; elles jouent des témoignages, des statistiques et des corrélations : A est-il cancérigène ? Quel rapport entre l’exposition à B et le développement de cette maladie ? Tel risque de santé est-il démultiplié par le facteur C ? Manipulations des experts pour déguiser une responsabilité en accident ? De quoi faut-il avoir peur, de quoi s’indigner, que dénoncer ? Que nous cache-t-on qui affecte notre santé, notre équilibre,la planète ?

Le scepticisme monte avec le refus de l’autorité et de la preuve : ce qu’affirment les autorités scientifiques, sanitaires ou autres rencontre une méfiance croissante, comme envers les médias et la classe politique. Mais le vide du doute appelle le plein de une croyance alternative. Ainsi, la conviction qu’un péril, onde, produit chimique ou flux d’énergie, jusque là non décelé menace, qu’une solution médicale inédite est apparue, donc qu’une révision de nos notions ou un contrôle s’imposent.

Croyance et rationalité

Au-delà de l’effet rumeur ou des croyances « archaïques », des gens qui ont un bon niveau culturel adhérent à des discours sur des risques cachés, sur une corrélation transformée en causalité ou sur de futures catastrophes notamment sanitaires, assurés que la science officielle nous dissimule l’effroyable réalité.

Au fil de l’actualité, on apprend ainsi que nos compatriotes sont les plus sceptiques sur la nécessité des vaccins, qu’une dame gourou Vandana Shida expose les thèses anti-science à sciences po, qu’il faut se méfier des compteurs Linky et de la 5G, que 86% des jeunes français pensent que le nucléaire participe fortement au réchauffement climatique et émet du co2, qu’il y aurait un lien prouvé entre les pesticides et le cancer du sein. Sans parler de l’efficacité de l’homéopathie ou des listes de produits, glyphosate, qui ont d’indéniables dangers, mais dont le risque, notion tout à fait différente du danger aux doses où on les rencontre, déclenche des passions.

On peut s’étonner d’une crise du consensus de cette ampleur et du succès de tout ce qui dénonce, souvent avec des relents anti-modernistes, naturalistes, catastrophistes, science et médecine. Souvent en se réclamant d’une autre plus authentique qui trouverait des causes cachées et des effets occultés par le « discours officiel ».

Comme en politique, on peut mettre en cause des changements de mentalité : ère de la post-vérité, réceptivité au bullshit, le grand n’importe quoi. On peut chercher des causes rhétoriques ou épistémologiques : les charlatans sont convaincants – par exemple ils « jouent des peurs » -et les gentils ne saisissent pas les finesses du raisonnement notamment statistique. Certes. On peut aussi chercher des coupables d’une sorte de subversion du vrai (Russes et les démagogues en politique, collapsologues et anti-science en médecine), et pointer les intérêts matériels des vendeurs d’espérance ou des capteurs de clics : raconter une carabistouillle attire vers une publication ou un site où la seconde d’attention du cerveau humain est renvendue à un publicitaire. Et sans négliger non plus l’arrière-fond idéologique d’opposition à la science comme domination de la nature et au développement comme agression.

Prime à la polémique et au buzz

Mais ces polémiques ont aussi une dimension médiologique : le marché intellectuel du doute, la prime à la théorie venant de gens « authentiques », l’explosion de l’argumentation, chacun pouvant émettre, relayer, discuter, juger, s’indigner, soutenir, etc. tout cela fleurit d’abord sur les réseaux sociaux. Le numérique est d’autant plus favorable à la contre-information et à la contradiction que chacun étant ce censé pouvoir aller aux sources et aux témoignages comme en direct d’égaux présumés sincères. Les algorithmes privilégient tout ce qui fait buzz, polémique et mobilisation. Ceci vaut particulièrement dans le domaine de la santé qui est celui de l’intime, de ce qui pourrait m’arriver à moi ou mes proches. S’ajoutent des techniques de captation de l’attention, de production de faux partisans, qui donnent des armes à la mésinformation au détriment des affirmations accréditées de façon hiérarchique et traditionnelle.

Les réseaux sont le lieu de l’alerte incessante – gluten, ondes, glyphosates, vaccins, lactose, nouveau produit cancérigène… – la où la peur vaut autorité, et bien que nous vivions dans des sociétés où le souci de protection est infiniment supérieur à ce qu’il fut jamais. Certes le remède est souvent près du poison et, sur les mêmes réseaux, fleurissent les vidéos de démontage ou les analyses des biais cognitifs, les déconstructeurs de fariboles, les sources primaires et les idées tertiaires… Mais nous subissons la terrible loi dite de Brandolini « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer« .

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