Ère Castex : les forces idéologiques avant l’orage

Date

17 juillet 2020

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Résumé

Contrairement aux prédictions, la crise sanitaire n’a pas tout bouleversé si elle a beaucoup révélé. Mais des forces qui s’annulent et s’équilibrent, cela s’appelle contradiction : le blocage des mécanismes politiques contraste avec l’exaspération des tensions culturelles. Comme un moment de silence avant que se déchaînent des forces.

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17 juillet 2020

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Résumé

Contrairement aux prédictions, la crise sanitaire n’a pas tout bouleversé si elle a beaucoup révélé. Mais des forces qui s’annulent et s’équilibrent, cela s’appelle contradiction : le blocage des mécanismes politiques contraste avec l’exaspération des tensions culturelles. Comme un moment de silence avant que se déchaînent des forces.

Dans sa déclaration de politique générale, J. Castex a décrit une France à ressouder, avec ses séparatismes et ses impunités, menacée par les ennemis de la République (dont, curieusement, « les complotistes »), alors que le thème de la haine envahit le débat. Peu de gens nieraient que nous nous dirigions vers une une période de tensions. Mais lesquelles prédomineront ?

Après les mois d’obéissance – où chacun renonça à la plus élémentaire des libertés, celle de se déplacer, pour se laisser surveiller et prescrire – le règne de l’ordre et la loi ? Ou au contraire, des révoltes sociales, d’immenses cortèges de chômeurs, de faillis, de syndicalistes et d’anciens Gilets jaunes taraudés par de nouvelles inquiétudes ? Si l’ordre public et l’autorité symbolique sont revenus au premier plan, ce n’est pas où on l’attendait.

Ainsi :

  • Le remake, v.f de Blacklivesmatter, la mobilisation pour l’affaire Traoré. Des dizaines de milliers de manifestants ont repris avec un large écho médiatique le thème du racisme systémique et de la domination invisible. Tout devient griefs à compenser : excuses, déboulonnement, réécriture, inclusion et génuflexions. En parallèle, les féministes accusent un ministre de viol et un autre d’hérésie face au meetooisme. Les contre-pouvoirs spécialisés fonctionnent à plein sur des sujets dits « sociétaux » au moment où le social devrait tout dominer. On demande plus de droits individuels, la fin des discriminations, la purification des cœurs et des esprits et le châtiment des puissants et des méchants, bref l’auto-réforme morale. Mais certainement pas la lutte des classes. Moins encore le pouvoir d’État.
  • Une réaction potentielle de la « majorité silencieuse » sur des questions d’ordre public. Le massacre d’un jeune homme par un délinquant à peine libéré, puis l’assassinat d’un chauffeur de bus bayonnais puis une gendarme écrasée par une voiture forçant un barrage, puis un pompier qui se fait tirer dessus, ont réveillé cette sensibilité. Pendant que circulent en ligne des vidéos d’agressions de policiers et passants ou des chiffres affolants (on parle de 120 agressions par jour à l’arme blanche). Sans oublier de malaise des forces de l’ordre. Ici, c’est la double rhétorique de l’ensauvagement et du déni qui renaît : on laisse faire et les médias n’osent pas en parler. Ce n’est pas la preuve qu’un populisme trumpiste à la française l’emportera demain, mais ce phénomène qui, pour le moment, n’a suscité que des marches blanches et des comptes Facebook, pourrait se traduire électoralement.

Libertaires diversitaires contre inquiets sécuritaires, communautés contre souveraineté, ordre moral contre ordre dans la rue, politiquement correct contre socialement inacceptable, bourgeoisie urbaine moralement supérieure contre couches populaires inquiètes, repentants indignés versus réfractaires humiliés… des fronts se dessinent.

Entre les deux, les forces politiques classiques sont comme figées

  • avec une majorité qui penche davantage à droite, et a raison de le faire si l’on regarde la pyramide démographique et la constance des intentions de vote du parti de l’ordre ;
  • avec une droite classique phagocytée par le macronisme dont rien ne la sépare vraiment (surtout pas les mouvements de personnel au gré des recrutements) ;
  • avec un Rassemblement National bien dans son rôle : promettre d’être au second tour des présidentielles, mais ne pas progresser au-delà de sa base sociale et faire peur ;
  • avec un mouvement écologiste qui enthousiasme la jeunesse diplômée cool des centre villes mais dont la vague très relative n’ira pas jusqu’à noyer le duopole LREM RN ;
  • avec la France insoumise qui compromet sa fonction tribunicienne ;
  • avec une gauche social-démocrate en pleine déconfiture et qui passe derrière Poutou dans certains sondages…

Cet émiettement idéologique et politique fait qu’il y a tant de sortes de contre-pouvoirs et que le pouvoir finit par en profiter : contrairement aux prédictions, la crise sanitaire n’a pas tout bouleversé si elle a beaucoup révélé. Mais des forces qui s’annulent et s’équilibrent, cela s’appelle contradiction : le blocage des mécanismes politiques contraste avec l’exaspération des tensions culturelles. Comme un moment de silence avant que se déchaînent des forces.

Dans sa déclaration de politique générale, J. Castex a décrit une France à ressouder, avec ses séparatismes et ses impunités, menacée par les ennemis de la République (dont, curieusement, « les complotistes »), alors que le thème de la haine envahit le débat. Peu de gens nieraient que nous nous dirigions vers une une période de tensions. Mais lesquelles prédomineront ?

Après les mois d’obéissance – où chacun renonça à la plus élémentaire des libertés, celle de se déplacer, pour se laisser surveiller et prescrire – le règne de l’ordre et la loi ? Ou au contraire, des révoltes sociales, d’immenses cortèges de chômeurs, de faillis, de syndicalistes et d’anciens Gilets jaunes taraudés par de nouvelles inquiétudes ? Si l’ordre public et l’autorité symbolique sont revenus au premier plan, ce n’est pas où on l’attendait.

Ainsi :

  • Le remake, v.f de Blacklivesmatter, la mobilisation pour l’affaire Traoré. Des dizaines de milliers de manifestants ont repris avec un large écho médiatique le thème du racisme systémique et de la domination invisible. Tout devient griefs à compenser : excuses, déboulonnement, réécriture, inclusion et génuflexions. En parallèle, les féministes accusent un ministre de viol et un autre d’hérésie face au meetooisme. Les contre-pouvoirs spécialisés fonctionnent à plein sur des sujets dits « sociétaux » au moment où le social devrait tout dominer. On demande plus de droits individuels, la fin des discriminations, la purification des cœurs et des esprits et le châtiment des puissants et des méchants, bref l’auto-réforme morale. Mais certainement pas la lutte des classes. Moins encore le pouvoir d’État.
  • Une réaction potentielle de la « majorité silencieuse » sur des questions d’ordre public. Le massacre d’un jeune homme par un délinquant à peine libéré, puis l’assassinat d’un chauffeur de bus bayonnais puis une gendarme écrasée par une voiture forçant un barrage, puis un pompier qui se fait tirer dessus, ont réveillé cette sensibilité. Pendant que circulent en ligne des vidéos d’agressions de policiers et passants ou des chiffres affolants (on parle de 120 agressions par jour à l’arme blanche). Sans oublier de malaise des forces de l’ordre. Ici, c’est la double rhétorique de l’ensauvagement et du déni qui renaît : on laisse faire et les médias n’osent pas en parler. Ce n’est pas la preuve qu’un populisme trumpiste à la française l’emportera demain, mais ce phénomène qui, pour le moment, n’a suscité que des marches blanches et des comptes Facebook, pourrait se traduire électoralement.

Libertaires diversitaires contre inquiets sécuritaires, communautés contre souveraineté, ordre moral contre ordre dans la rue, politiquement correct contre socialement inacceptable, bourgeoisie urbaine moralement supérieure contre couches populaires inquiètes, repentants indignés versus réfractaires humiliés… des fronts se dessinent.

Entre les deux, les forces politiques classiques sont comme figées

  • avec une majorité qui penche davantage à droite, et a raison de le faire si l’on regarde la pyramide démographique et la constance des intentions de vote du parti de l’ordre ;
  • avec une droite classique phagocytée par le macronisme dont rien ne la sépare vraiment (surtout pas les mouvements de personnel au gré des recrutements) ;
  • avec un Rassemblement National bien dans son rôle : promettre d’être au second tour des présidentielles, mais ne pas progresser au-delà de sa base sociale et faire peur ;
  • avec un mouvement écologiste qui enthousiasme la jeunesse diplômée cool des centre villes mais dont la vague très relative n’ira pas jusqu’à noyer le duopole LREM RN ;
  • avec la France insoumise qui compromet sa fonction tribunicienne ;
  • avec une gauche social-démocrate en pleine déconfiture et qui passe derrière Poutou dans certains sondages…

Cet émiettement idéologique et politique fait qu’il y a tant de sortes de contre-pouvoirs et que le pouvoir finit par en profiter : contrairement aux prédictions, la crise sanitaire n’a pas tout bouleversé si elle a beaucoup révélé. Mais des forces qui s’annulent et s’équilibrent, cela s’appelle contradiction : le blocage des mécanismes politiques contraste avec l’exaspération des tensions culturelles. Comme un moment de silence avant que se déchaînent des forces.

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